De retour à Montréal

De retour à Montréal

Les beaux jours sont revenus à Chéticamp : me voilà prête à abandonner le confort pratique et facile d’une maison pour reprendre la route, direction l’Ouest du Canada.

Par curiosité, je regarde la distance qui sépare Chéticamp de Whitehorse, dans le Yukon : 7002 km et 74 heures de route, rien que ça ! L’Ouest canadien se mérite. Ces deux mots suscitent tant de rêve et d’émotion… Je me vois déjà happée par cette déferlante de nature brute et sauvage, hypnotisée par la majesté de ses montagnes, émerveillée par ses couleurs vert-bleu-gris, attendrie par la diversité de sa faune et de sa flore, aspirée au cœur d’un gigantisme que je ne peux appréhender… Et je n’ai qu’une hâte : rouler.

« PVT » : « Plans Vite Transformés »

Et puis, un beau matin, je reçois ce mail.

Vous savez, le genre de mail que vous n’attendez pas DU TOUT. Qui sort de nulle part. Qui vous scotche sur votre chaise. Que vous relisez deux, cinq, dix fois. Qui est merveilleux. Qui perturbe quand même sérieusement tous vos plans. Qui contient une proposition extraordinaire que vous ne pouvez pas refuser. D’ailleurs, vous savez déjà que vous allez dire oui, même si tous vos plans tombent à l’eau. Décidément, un PVT ne se passe vraiment jamais comme prévu !

L’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, où j’avais fait du bénévolat au tout début de mon PVT, me recontacte. Une personne est en arrêt maladie et l’équipe a besoin d’un coup de main. Un an après, ils se souviennent toujours de moi et me font confiance ! Je suis vraiment honorée. Je me vois donc offrir un emploi rémunéré, à temps plein, dans un lieu que j’affectionne vraiment particulièrement, au sein d’une équipe que je connais déjà. Incroyable. On m’avait bien expliqué l’importance du bénévolat au Canada, on m’avait bien dit de me donner à 1000 % dans cette expérience bénévole car l’avenir me le rendrait, mais je ne m’attendais tout de même pas à cela ! L’Oratoire n’a qu’un seul défaut : il est situé… à Montréal, une ville que je ne porte vraiment pas dans mon cœur et où, d’ailleurs, je ne voulais carrément plus foutre les pieds. Mais l’appel de l’Oratoire Saint-Joseph est plus fort que tout ; l’Ouest canadien patientera encore un peu…

Adieu, chère Acadie !

Je me retrouve donc à plier bagages très vite (en prenant soin de relâcher loin ma petite colocataire à moustaches et quatre pattes avant que les prochains habitants ne lui fassent du mal) et à faire un petit repas d’adieu en compagnie de mes amis de Chéticamp. Et comme les Chéticantins font de la musique autant qu’ils respirent, chacun m’offre en cadeau le CD qu’il a sorti. C’est dingue ! Ils ont tous sorti un album avec leurs propres compos, qu’ils aient 20, 30 ou 60 ans ! (Et au passage, il n’y a pas un disque sans une chanson sur le Grand Dérangement – la déportation des Acadiens en 1755 – et sur la fierté de leurs origines). Ça tombe bien, j’ai beaucoup de route à faire, et Jonathan, mon van, a une super sono. Merci, les amis !!! Que c’est bon d’entendre dans Jonathan résonner vos notes, vos voix, votre accent, vos paroles, vos mélodies, vos instruments, votre culture !

Je prévois d’arriver quelques jours plus tôt à Montréal, histoire de me réadapter à la grande ville… Une gageure, après six mois passés seule dans une maison isolée sur une île. Je prends donc la route pour Montréal. Finis, les Maritimes… Après tout ce temps passé ici, cela me fait vraiment quelque chose. L’Acadie aura vraiment été mon gros coup de cœur, pour son accueil, sa culture, ses paysages, sa langue, sa musique, son histoire… Les CD que l’on m’a offerts prolongent un peu le plaisir avec cet accent acadien si typique. Bye, Chéticamp… Merci pour tout… Comme le chante si bien la musicienne Sylvia LeLièvre : « Écrivez-moi… pour adoucir l’absence… ».

Nouvelle-Écosse… Nouveau-Brunswick… Sur la route, je remonte le temps en voyant défiler, au fil des heures, mes six mois de voyage dans les Maritimes : « Cap-Breton », « Île-du-Prince-Edouard », « Kouchibouguac », « Moncton », « Magnetic Hill »… Que de bons souvenirs !

Les fausses belles annonces de colocation à Montréal

1500 km séparent Chéticamp de Montréal. Après une nuit dans un motel, j’arrive dans cette ville. Dans ses bouchons. Je me suis préparée mentalement à ce changement drastique. J’ai augmenté mon seuil de tolérance. Je sais que je vais en baver. Avant de quitter Chéticamp, j’avais trouvé une colocation sur Kijiji – l’équivalent du Bon Coin : un couple d’étudiants propose une chambre « full furnished » à deux minutes à pied de l’Oratoire. Je leur avais fait un virement Interac pour la réserver. Mais lorsque j’arrive dans ma colocation, épuisée par mes quatorze heures de route, je découvre que ma chambre « full furnished » n’a en fait qu’un lit une place et une commode à tiroirs pour tout équipement. Pas de bureau, pas de chaise, pas de lampe, pas de table de nuit, pas de rideaux et, le comble, la porte de ma chambre est une porte entièrement vitrée qui communique avec le salon. Pas moyen de me mettre en pyjama tranquillement ! Il y a même zéro table et zéro chaise dans tout l’appartement : on mange comme on peut, dans le canapé, l’assiette sur les genoux. Et ils ont le culot d’exiger 565 $ par mois pour ça ! Je n’ai tenu que deux jours. J’ai vite trouvé une autre colocation, à 8 minutes à pied de l’Oratoire. Deuxième déménagement en deux jours. Il est temps que ce bazar se termine : demain, c’est mon premier jour à l’Oratoire, et je n’ai plus l’habitude de me lever à 7h du matin.

Les retrouvailles à l’Oratoire me font très plaisir, tant avec le lieu lui-même qu’avec l’équipe que je n’ai pas vue depuis un an.

Le fléau tant redouté de Montréal…

Au Québec, les horaires de travail sont vraiment différents de la France : on arrive à 8h30 (c’est tôt !!) et on repart à 16h30 (c’est tôt !) Il n’y a aucune gêne à avoir à quitter le travail à cette heure-ci ; l’inverse serait même mal perçu, car cela signifierait qu’on est lent ou mal organisé. Lorsqu’arrive mon premier vendredi, je ne rêve que d’une chose : rentrer et m’allonger sur mon lit, après ces dernières semaines stressantes. De retour à la maison, en entrant dans ma chambre, je me fige : le matelas est debout, adossé contre le mur ; ma couette, mon oreiller et mes draps jetés en vrac sur mon bureau. On dirait que j’ai été cambriolée. Pour ma sieste, je repasserai. J’ai en tête une explication possible qui ne me plaît pas du tout… et que mon coloc’ confirmera quelques heures plus tard. Le mot glace le sang de tout Montréalais : les BEDBUGS.

Les bedbugs – ou punaises de lit – ce sont des espèces de salopes qui se cachent sous votre lit ou votre matelas et qui ne sortent que la nuit pour vous dévorer. Un dicton bien connu dit : « Si t’en as une, t’en as mille ». Il faut laver tout son linge plusieurs fois à eau très chaude (sinon elles résistent), voire le mettre au congélateur pendant trois semaines, ne rien laisser du tout par terre (pas de sac, ni de vêtements…), marcher dans l’appartement avec des chaussures en plastique (car elles ne peuvent pas s’y accrocher) et, pour en venir à bout, faire appel à une entreprise spécialisée en extermination qui, parfois même, en profitera pour traiter aussi de façon préventive les appartements voisins : rien que ça !

En réalité, c’est le lit de mon coloc’ qui en a. Celui-ci a mis ma chambre sans dessus dessous pour voir si j’étais touchée moi aussi, mais non. À son retour, il me dit qu’il comprendrait très bien que je veuille quitter illico l’appartement. Trop fatiguée par ces derniers jours, je n’ai pas le courage de chercher une troisième colocation et de redéménager. Je prends le risque de rester, en priant très fort que je ne sois pas touchée. Le Ciel m’exaucera. Pas mon coloc’ : il fera appel à l’exterminateur deux fois.

Escapade dans du Beau et du Vrai !

L’année dernière, je pestais contre Montréal car on ne pouvait pas « faire 50 mètres dans cette ville sans tomber sur un gratte-ciel ou un hipster ». Je rajoute cette année : « sans sentir une odeur de marijuana ». Hé ouais, si fumer ce genre de truc en pleine rue n’est pas encore légalisé ici, c’est en tous les cas toléré. Sauf que cette odeur a la mauvaise idée de me rendre (très) vite malade. Pas de quoi me faire aimer davantage Montréal !!

J’ai profité de quelques week-ends pour fuir la ville, ses gratte-ciel, ses hipsters, sa marijuana et ses bedbugs, direction les parcs avoisinants. D’abord, le parc du Mont-Saint-Bruno (appartenant à la Sépaq), à une demi-heure de route : une oasis de verdure absolument parfaite. Mention spéciale pour la randonnée « Les Lacs », facile et presque plate qui, en 2h30, permet de voir cinq étendues d’eau (dont le somptueux lac des Bouleaux) à travers une merveilleuse marche en forêt. C’est encore mieux si vous avez un vélo, et c’est tout à fait faisable si vous avez une poussette !

À trois heures de route, il y a le fameux parc de la Mauricie (gratuit en cette année 2017 car appartenant à Parcs Canada qui fête sa 150e bougie). C’était un rêve de le voir. Certes, il est beau, mais le temps devient très vite gris et nuageux, ce qui gâche un peu la fête. Je pense qu’il doit prendre tout son sens quand on y fait du canot-camping et qu’on pénètre dans des lieux uniquement accessibles par les eaux.

Montréal en fête pour son 375e anniversaire

Cette année, Montréal fête ses 375 bougies, ce qui donne lieu à de nombreuses festivités.

Et pourtant, rien n’y fait. Je ne rêve que d’une chose : partir d’ici ! Je vous jure, j’ai essayé d’aimer cette ville, j’ai essayé d’en voir les bons côtés en faisant parfois ma touriste. Je me suis offerte une petite croisière sur le Saint-Laurent ; j’ai visité la somptueuse basilique Notre-Dame, dans le Vieux-Montréal (où Céline et René se sont mariés). Le Jardin botanique est une absolue tuerie à voir au moins une fois, par beau temps, à condition d’y consacrer plusieurs heures. Et last but not least – je persiste : perché sur le Mont-Royal, l’Oratoire Saint-Joseph, dont je n’arrive toujours pas à me lasser. Les couchers de soleil en direct de la terrasse sont à couper le souffle. Sans parler des jardins. Et je ne touche aucune commission pour dire ça !

L’Ouest canadien s’est longtemps fait attendre… Il est temps de reprendre la route. En fait, la fenêtre de tir est assez courte pour voyager en minivan au Canada, car le printemps arrive tard et les températures descendent tôt. Cela fait une fenêtre de 5 mois environ, si on ne veut pas cailler la nuit. Le moment est donc venu : direction le Yukon !!

 

Regardez ici la vidéo associée à cet article :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Fermer le menu