L’arrivée de l’hiver en Nouvelle-Ecosse

L’arrivée de l’hiver en Nouvelle-Ecosse

« Nous sommes en 2017 après Jésus-Christ. Toute la Nouvelle-Ecosse est occupée par les anglophones. Toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Acadiens résiste encore et toujours à l’envahisseur »…

C’est dans ce petit village acadien que j’hiberne depuis fin octobre. Vous vous souvenez peut-être : je comptais passer l’hiver dans les Rocheuses canadiennes. Mais après avoir visité le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Edouard et les Îles-de-la-Madeleine, je trouvais cela un peu dommage d’entamer illico la grande traversée du pays vers l’Ouest, sans passer par la province de la Nouvelle-Ecosse, située « à côté » (même si cela m’éloignait encore un peu plus des Rocheuses !) Un toit m’attendait là-bas en plus, car un chanteur acadien, Ronald Bourgeois, me prêtait carrément sa maison pour quelques jours au Cap-Breton, dans le nord de la Nouvelle-Ecosse. Sa maison est située sur une île qui fait face à Chéticamp, petit village de pêcheurs au bord de la mer et porte d’entrée Ouest du parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton.

Je suis donc venue à Chéticamp pour y rester quelques jours.

Du moins, c’est ce que je croyais.

Arrivée de nuit sur l’île de Chéticamp après 7 heures de route depuis l’Île-du-Prince-Edouard, j’ai du mal à trouver la maison de Ronald. Je frappe à une porte au hasard. Un monsieur m’ouvre, me dit que Ronald est son cousin et que sa maison se situe « un peu plus par là ». Je vais donc « un peu plus par là » et refrappe à une autre porte de maison. Il est tard, un monsieur torse nu m’ouvre sa porte sans être nullement dérangé par les 2°C qu’il fait dehors, me dit que Ronald est son cousin et m’indique sa maison.

Je ne vais pas m’étendre sur l’absolue merveille qu’est cette baraque. Ronald m’avait dit, une fois arrivée, d’aller voir Clarence, son voisin, pour qu’il vienne m’aider à mettre le chauffage. Je frappe donc à la porte de ce Clarence. Après m’avoir dit que Ronald est son cousin, il m’invite à m’asseoir et on passe une bonne demi-heure à parler dans des fauteuils cosys autour d’un bon feu qui crépite. L’intérieur du chalet est tout en bois : murs, meubles, sol, plafond, portes, déco… Je me retrouve au cœur de l’image parfaite que l’on se fait d’une cabane au Canada et n’aurais pas pu imaginer meilleur accueil.

Au fil des jours, Clarence et Lola, sa femme, se sont toujours soucié de moi, m’ont toujours accueilli à bras ouverts quand je frappais à l’improviste chez eux, m’ont invité à chacune de leurs fêtes et à leur table lors des concerts à la taverne. Quand j’ai quitté la maison de Ronald, ils se sont coupés en quatre pour me trouver un autre endroit où rester… et ont déniché une perle rare, sur l’île aussi : une maison isolée, située au bout d’un chemin et faisant face au village de Chéticamp. Le prix de location était aussi une perle rare… et s’est finalement transformé en zéro ! La propriétaire – une Américaine ne parlant pas français – m’a proposé un deal de dingue : zéro dollar de location pour l’hiver mais en échange, je lui traduis en français son site Internet qui n’est qu’en anglais. Tope là.

J’ai donc emménagé dans cette maison bleue, accrochée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là ont jeté la clé. Grande maison superbe, toute équipée, poêle à bois, trois chambres à l’étage, avec vue en face sur les montagnes du Cap-Breton. Le rêve. Je me suis quand même posé quelques questions les premiers soirs, quand j’étais seule dans la baraque, en voyant les livres de la bibliothèque bouger tout seuls, en entendant des pas à l’étage et des bruits au sous-sol. Je ne crois pourtant pas à ces choses-là… Enfin si, mais je ne voulais pas me l’avouer. Ce n’est qu’au bout de quelques jours que j’ai vu une souris se balader sur la cuisinière. On va dire que c’était ça 🙂 !

Ces quelques semaines passées à Chéticamp me font découvrir une chose : le sens de la communauté. Oui, bien plus qu’un village, Chéticamp est avant tout une communauté d’Acadiens. Tout le monde se connaît, se tutoie, se salue, s’invite, s’entraide… On se fait un signe de la main quand on se croise en voiture. On ne ferme jamais sa maison à clé quand on part faire ses courses. On ne ferme pas sa voiture non plus sur le parking du magasin. On laisse son portable et son portefeuille sur le comptoir du bar en allant aux toilettes. On ne sait pas dire du mal des gens. Médire n’est pas acadien. Quand le « simplet » du village – figure emblématique respectée de tout le monde – fête son anniversaire à la taverne, il ferait presque salle comble. Quand il se met à baragouiner une chanson non identifiable au micro, il est salué par un tonnerre d’applaudissements. Jamais sans moquerie, sans jugement. Toujours avec amitié et bienveillance. Et ça, c’est bien agréable. Mises bout à bout, ces petites choses – qui peuvent paraître bien anodines – changent tout. Ces gens-là ont la bonté au cœur… et la musique au bout des doigts.

La musique au cœur de la communauté acadienne !

La musique. Je n’aurais pas imaginé qu’elle puisse avoir autant d’importance ici. Est-ce propre à Chéticamp ou à l’Acadie ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’ici, la musique fait partie à 100 % de la culture. Vous voyez ce vieux pêcheur à la moustache sale et aux vêtements usés qui entre à la taverne ? Donnez-lui un violon : c’est un virtuose. Et cette petite de 15 ans qui manie les appogiatures à la perfection en chantant au micro des chansons irlandaises ? Et ce petit homme haut comme trois pommes qui vous fait tout joyeux des solos de mandoline à vous décrocher la mâchoire ? Et cette jeune fille de 18 ans qui vous fait une démonstration parfaite de claquettes ? Et ceux qui ne jouent pas d’instruments de musique, que font-ils ? Bah ils dansent. Ils dansent une sorte de valse. Que l’on soit jeune, vieux, ado, rebelle, directeur financier, pêcheur, retraité, serveur, professeur ou élève, tout le monde danse, deux par deux, sans complexe et dans une simplicité de cœur et d’esprit profondément touchante.

La musique est partout. Tous les mardis soirs, je me rends au « Cercle » de l’AMAC. Rien d’occulte là-dedans 🙂 : l’AMAC est l’Association Musicale Acadienne de Chéticamp. Le concept ? On vient avec sa guitare, sa mandoline ou son harmonica et on prend une place dans un cercle de chaises. Tour à tour, chacun va jouer une, deux ou trois chansons au micro et les autres suivent. Il y a tous les niveaux dans le cercle : les pros, les très bons, les bons et les moins bons et tout est dans la simplicité et la bienveillance, sans jugement. Quelqu’un n’a pas trop le sens du rythme ? A du mal à jouer tout en chantant ? Pas grave : on va le rattraper en souriant et on l’applaudira à la fin de sa chanson.

La musique est partout. On en joue au moindre prétexte. L’approche de Noël est une occasion en or. À chaque messe, il y a soit une très belle chorale, soit un couple qui chante et joue de la guitare. Dehors, sur le parvis de l’église, lors de l’illumination du traditionnel sapin, on chante des chants de Noël et ni les -9°C ni le vent glacial ne font sourciller qui que ce soit. En sortant du magasin d’alimentation, un groupe de personnes, bonnets rouges sur la tête, vous chante des chants de Noël, sur fond de guitare rythmée. En toute simplicité. Sans prosélytisme. Ici, Noël est une fête simple, une ambiance, une tradition, une atmosphère, un patrimoine, une coutume qu’on ne renie pas, qu’on ne dissimule pas, qu’on admet même si l’on est éloigné de la religion. Toutes les maisons sont richement décorées, les façades clignotent… C’est à qui sera le plus coloré et le plus inventif.

La musique est partout. À la taverne, les jeudis soirs, c’est « Talent night ». Celui qui veut chanter une chanson va sur scène, dit aux musiciens quelle chanson il voudrait faire, compte « 3…4 » et c’est parti.

La musique est partout. J’ai eu la chance d’être invitée à dîner (à souper, pardon) à plusieurs reprises chez différentes personnes. Après avoir mangé un bon gueuleton (du homard en général, ça coûte entre 5 et 7 $ ici), on se met au salon et on sort les guitares. On chante des chansons que tout le monde connaît et reprend en chœur. Quand en plus, un feu brûle dans la cheminée, le paradis n’est plus très loin… Un soir, lors d’un dîner de Noël chez un couple acadien en compagnie de quinze autres personnes, j’ai réalisé à quel point je ne pouvais pas être mieux intégrée à la communauté et immergée au cœur de la culture et des traditions acadiennes ! J’étais presque devenue l’une des leurs.

Pas facile d’expliquer tout ça aux Chéticantains eux-mêmes ! Pour eux, tout ça est normal. Mais quand j’ai rencontré le seul Français installé ici depuis six ans, il a parfaitement compris ce que je ressentais et partage le même point de vue : pour un Français, l’accueil et la simplicité des gens à Chéticamp est inédit et une expérience unique. Du jamais-vu. Tout cela m’a décidée de prolonger mon séjour ici… et d’aller dans les Rocheuses l’année prochaine.

Le petit revers de la médaille, c’est qu’ici, tout le monde sait tout sur tout le monde. Personne n’aime vraiment être pris en photo, et encore moins voir son nom ou sa tête publiés. Malheureusement, vous ne verrez donc pas beaucoup de photos de gens dans cet article, ni dans la vidéo… Les gossip vont bon train. Combien de gens m’ont dit la première fois que je les ai vus : « Ah, c’est toi la fille de France qui habites la maison bleue sur l’île ! » Et il suffit que vous jouiez trois ou quatre fois au billard avec la même personne pour qu’on vous félicite d’avoir trouvé l’âme sœur.

Une petite mésaventure tout de même…

En rentrant un soir d’un concert à la taverne (et m’être fait franchement emmerder toute la soirée par un gars qui avait fumé je-ne-sais-quelle-herbe), la tête me tourne, mon lit devient une centrifugeuse et je suis malade toute la nuit et toute la journée du lendemain. Un truc dans mon verre ? Je ne sais pas, et c’est une expérience de solitude extrême que d’être malade seule dans une maison isolée sur une île. Ce n’est que le lendemain soir, quand je vomis du sang, qu’on me conduit à l’hôpital. Ils me gardent toute la nuit et ne trouvent rien. Ce « rien » me coûte quand même la modique somme de 1660 $ !!! Heureusement, l’assurance ACS-Globe-PVT que j’ai souscrite me rembourse à 100 % en trois semaines. Quand je pense qu’on se plaint parfois de la Sécu… 🙂

Acadie-France-Acadie, retour aux sources !

Quasiment tous ici ne sont jamais allés en France. Beaucoup pensent que Paris est à côté des Alpes, voire dans les Alpes. Certains n’ont jamais quitté la Nouvelle-Ecosse. À la maison de retraite du village, j’ai même rencontré une dame qui était restée toute sa vie dans un rayon de 30 km autour de Chéticamp. Un jour, j’ai demandé à un ami pêcheur s’il avait déjà été en France.

« Non, le plus loin que j’ai été, c’est Montréal.
– Il faut que tu viennes en France, un jour ! Tu verrais la tour Eiffel !
– C’est quoi ?
– …………… »

Un Canadien n’ira d’ailleurs jamais voyager « en France » : il ira « en Europe » et visitera trois ou quatre pays lors de son séjour. On n’a pas la même échelle de distance ! 🙂

Quant à moi, je suis retournée en France pour les fêtes de Noël. Ouaip, pas eu le courage d’affronter Noël toute seule pour cette première année de PVT. Ma sœur, en plus, a eu un bébé que je n’avais encore jamais vu. Bref, en cherchant plusieurs jours un billet d’avion à un tarif humain (les compagnies aériennes se gaaaaavent à cette période de l’année), j’ai trouvé un aller-retour pour 1000 $. Par contre, les dates étaient débiles : je partais avant mi-décembre et mon retour était le 31 décembre. Je crois que je n’avais pas mesuré à quel point Chéticamp est au bout du monde. Venant de région parisienne, aller à Roissy ne me prenait qu’une heure et demie à tout casser… Mais rien qu’atteindre l’aéroport d’Halifax m’a presque pris une journée. On a dû me conduire à l’arrêt du bus situé à 1h d’ici. Cinq heures de trajet et des navettes plus tard, j’étais dans ma chambre d’hôtel pour y passer la nuit, avant de retourner à l’aéroport le lendemain pour faire Halifax-Montréal-Montréal-Paris.

A l’aéroport d’Halifax, dans les galeries marchandes, un duo piano-batterie joue de la musique et… des chants de Noël. J’essaie de transposer cette scène – et ce même répertoire – à Roissy… Chaque vol a eu du retard, car avant chaque décollage, les avions devaient d’abord passer par l’étape « dégel et antigel des ailes ». À travers mon hublot, je voyais des mecs asperger la carlingue au karcher et travailler dehors par -15°C.

Le plus drôle, c’est que je n’avais dit strictement à personne que je rentrais. Absolument personne. Ma famille, qui me connaît bien, devait se douter que je mijotais quelque chose… mais n’en savait pas plus. Je voulais filmer les réactions des gens quand les portes d’entrée s’ouvriraient… Ça a été très étrange de me retrouver à Roissy : quel drôle d’accent hautain et condescendant on a par rapport à l’accent québécois et l’accent acadien ! Une fois l’immigration passée et le remplissage de ma déclaration de perte de bagage terminé, j’ai pris l’exotique RER B et me suis assise à côté d’un tas de seringues vides : chacun son « trip » ! Perso, je préfère les montagnes, les lacs et les forêts… À travers la fenêtre du RER, j’aperçois le périph’ et le panneau « Porte de Clignancourt » : j’en serais presque émue !!! Direction d’abord la maison de mon meilleur-ami-âme-sœur-plus-que-frère, celui qui compose la plupart des musiques de mes vidéos. Il est 13h du matin pour lui et je l’aperçois, à travers le portail, prendre son petit-déjeuner en pyjama. Je lui avais dit que je partais en randonnée dans le parc du Cap-Breton toute la journée et qu’on ne se verrait pas sur Skype aujourd’hui.

« DING DONG !
– (pas de réponse)
– DING DONG !
– Qu’est-ce que c’est !?!?, beugle-t-il en ouvrant la fenêtre. Il ne peut pas me voir, je suis cachée derrière le portail. J’avais oublié qu’il n’est pas du matin.
– DING DONG !!
– J’ATTENDS PERSONNE !!!
– DING DONG !!!!!!!
– OOOOOH MEEEEERDE !!!!

Le cœur battant, j’entends des pas sur le gravier qui se rapprochent… Mon caméscope enregistre… Un long mouvement de clé dans la serrure et le portail s’ouvre… Luc n’en croit pas ses yeux. Après un mouvement de recul, il referme le portail, le rouvre pour être bien sûr de ce qu’il voit… Crevée après un voyage de plus de 48 heures et un perfide décalage horaire, je verse quelques larmes d’émotion ! Que c’est bon de revoir ceux qu’on aime ! De les revoir autrement qu’à travers WhatsApp ou Skype ! En relief ! En vrai !

Je refais à peu près la même chose avec ma famille. Je ne m’étendrai pas sur les belles fêtes de Noël que j’ai passées… mais j’ai tout de même du mal à réaliser que je suis ici, avec mes parents, (beaux-)frères et (belles-)sœurs, neveux et nièces, après si longtemps ! Rien n’a changé. J’ai même l’impression que mon voyage au Canada n’a duré que trois semaines et que tout reprend comme avant. Alors, quand il a fallu repartir, ça m’a encore fait quelque chose. Pas autant que la première fois bien sûr, car je savais où j’allais et ce qui m’attendait. En allant en France, je rentrais à la maison ; en quittant la France, je rentrais à la maison. Coup double. Bye Paris…

Première expérience de l’hiver canadien

Ce retour, c’est la même chose, en sens inverse : plus de 48 heures de voyage, Paris-Montréal-Montréal-Halifax-avec-vols-en-retard-car-dégel-des-ailes, nuit d’hôtel (et le plus SINISTRE 31 décembre de ma vie, passé seule devant la chaîne météo du hall d’accueil de l’hôtel à Halifax), cinq heures de bus le lendemain et encore une heure de route pour regagner Chéticamp. J’étais si crevée en arrivant chez moi que je suis illico tombée malade comme jamais je l’ai été ces quinze dernière années. J’ai dû demander de l’aide à un ami acadien qui est régulièrement venu me faire des toasts et une tisane pendant quatre jours. Solidarité acadienne, j’vous dis !

Doucement, l’hiver s’est installé ici. Le froid d’abord, puis la neige. Il paraît que c’est un doux hiver cette année, les températures n’étant pas encore descendues en-dessous de -14°C. Sauf que la reine des neiges, ce n’est pas moi. Ni Jonathan (mon minivan) ni moi sommes très à l’aise là-dedans. J’ai beau avoir chaussé mes bottes et Jonathan ses pneus neige, rien à faire, on glisse tous les deux !

Je crois n’avoir jamais conduit sur de la neige auparavant… et c’est un peu tard pour apprendre. C’est marrant, comme concept : on appuie sur la pédale de frein, ça freine que dalle et les roues se mettent à trembler… c’est là où en général j’arrête de respirer. Deux fois j’ai vu un sapin de très TRÈS (trop) près… De quoi choper des courbatures aux fesses à force de les serrer. On m’a pourtant dit de rouler doucement, d’anticiper et de commencer à freiner dès qu’on aperçoit au loin un panneau « Stop » situé à 400 mètres, mais même ça, rien n’y fait.

De plus, Jonathan n’est pas un 4×4 et il s’est retrouvé trois fois complètement bloqué sur le chemin de ma propre maison ! Trois fois un ami acadien est venu me tirer de là en rigolant avec son gros truck et une corde. Solidarité acadienne, j’vous dis !

Le problème ici n’est pas tant la neige, mais le vent. Quand ça souffle, ça souffle grave. Un vent de sud-est (contracté en « suète ») s’est abattu plusieurs fois ici et j’ai pris toute la mesure du mot « tempête ». Au point de ne pratiquement pas pouvoir tenir debout. Au point de devoir réfléchir à deux fois où et dans quel sens se garer avant d’ouvrir sa portière de voiture. Au point de devoir s’appuyer de tout son corps et de tout son poids sur une porte pour réussir à sortir. Au point de voir mon lit trembler et bouger de gauche à droite pendant la nuit, d’entendre vibrer l’abat-jour de ma lampe de chevet. Au point de retrouver au beau milieu du chemin de l’île une poubelle venant du village en face. Ici, on met du triple vitrage, sinon les fenêtres peuvent voler en éclats. Même l’éolienne (!) du village voisin n’a pas résisté à la dernière tempête : le vent a soufflé jusqu’à 170 km/h !

Une dame que je n’avais vue qu’une seule fois auparavant m’a téléphoné un soir pour me dire qu’une chambre m’attendait chez elle si j’avais trop peur toute seule dans ma maison pendant la tempête. Solidarité acadienne, j’vous dis !

Ce vent occasionne souvent des coupures d’électricité. La dernière en date a duré cinq heures et a commencé pile à l’heure du dîner le soir… Heureusement que j’avais en stock mon réchaud de camping… Petit revival de road-trip qui m’a permis d’avaler quelque chose, éclairée à la lampe frontale et aux chandelles. Lola, ma voisine, m’a appelée pour savoir si j’avais de quoi dîner et si tout allait bien dans le noir. Solidarité acadienne, j’vous dis !

Au cœur de la culture acadienne

« Qu’est-ce qu’une fille de France fait à Chéticamp l’hiver?!? » Très franchement, j’aurais dû compter combien de fois j’ai entendu cette question. Il faut dire qu’il y a de quoi. Une-fille-de-France-qu’on-ne-connaît-pas-qui-n’a-pas-de-cousins-ici-qui-voyage-seule-qui-reste-longtemps-au-village-et-qui-ne-travaille-pas, ça a de quoi intriguer. C’est sûr, l’hiver à Chéticamp, ce n’est pas le carnaval de Rio. Mais pour moi, ça fait partie de l’expérience PVT de vivre un hiver tel qu’il est vécu par les locaux.

J’ai vraiment pris conscience que j’étais bien au Canada, là, en cet instant précis, en voyant, à la patinoire de Chéticamp, des gens jouer au curling, une sorte de pétanque sur glace… (mais si, vous savez, ce sont les gens qui  balayent la glace à toute vitesse devant un énorme palet qui glisse !) et quand j’ai vu des Philippe Candeloro de 8 ans s’éclater sur des patins à glace les moufles dans le nez.

N’allez pas croire que je ne fais rien de mes journées : j’ai eu énormément de boulot ! Je travaille toujours en freelance et un client français m’a donné une tonne de choses à faire ces derniers temps. Tout cela, en plus de la traduction du site en anglais pour ma proprio. Je passe donc de nombreuses heures assise à la table du salon, à mon ordinateur, près du feu en levant parfois les yeux vers les montagnes du Cap-Breton.

Et pour me détendre, je pars me balader avec Jonathan… Récemment, je me suis arrêtée sur une plage enneigée dont les rochers étaient couverts de stalactites. Il faisait tellement froid rien qu’en prenant une photo de la mer ! Ça m’a anesthésié les doigts pendant dix minutes… Pas pu m’empêcher, en regardant les innombrables blocs de glace flotter sur l’eau, de penser aux victimes du Titanic qui ont fini dans ce genre de flotte… Le lieu du naufrage n’est d’ailleurs pas si loin d’ici !

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